La modernité : un concept entre utopie et réalité

La modernité : un  concept entre utopie et réalité

 

 

Mohamed OUZARF

{ouzarf@hotmail.com}

Facultés des Sciences et Techniques Fès

Université Sidi Mohamed Ben Abdellah FES

 

 

A

ujourd’hui, nous manquons d’une vision globale et d’un regard plus ample sur les transformations en cours au sein de la société marocaine. C’est un tel regard que je partage  dans cet article.

Sommes-nous réellement dans une société de savoir? La société marocaine  est-elle modernisée? A-t-elle les conditions nécessaires pour instaurer la modernité ? Est-elle traditionnelle ? Que produisons-nous et que consommons-nous, au niveau culturel, technologique et  scientifique?

 

Le dernier rapport 2009 du PNUD sur la société du savoir dans le monde Arabe  en partenariat  avec la fondation Al Maktoum, note que notre société évolue lentement dans le processus du renouvellement, toujours en quête d’identité, retour au patrimoine et l’authenticité, d’un autre coté l’occidentalisation de la société marocaine gagne du terrain sous différents aspects et concepts de sociétés, souvent sous des appellations comme la mondialisation/globalisation ou modernisation/ modernité.

 

Dans le présent article, j’aimerais aborder le sujet de la modernité pour essayer de définir et recadrer ce concept très complexe même pour l’occident qu’il a inventé depuis quelques siècles.

 

Il est d’abord indispensable de faire une nette  distinction  entre la modernisation /التحديث  et le modernisme / الحداثة   ou la modernité /  المعاصرة. Des concepts typiquement occidentaux trop chargés d’histoire, de culture,  aux contenus différents et très polémiques.

 

La modernisation est un processus qui  touche le domaine politique pour  le développement des institutions - partis politiques, le parlement, la gouvernance locale et les élections. On parle aussi de modernisation culturelle et éducationnelle. Les développements technologique, industriel et manageriel nous mènent à parler aussi de la modernisation économique. Enfin les changements sociétaux conduisent irréversiblement vers la  modernisation sociale.

 

Le modernisme est souvent défini comme croyance à la souveraineté de la raison qui  repose sur une compréhension scientifique, rationnelle et empirique de la réalité.

 

La définition de la modernité demeure ambigu, coïncide avec l’émergence d’un sujet humain conscient de son autonomie dans une  approche rationnelle de tous les phénomènes de la nature et de la société. En fait la modernité est un état.

 

Il convient aussi de revenir sur quelques idées, comme l’imbrication entre les couples tradition /authenticité et occidentalisme/modernité, fondements de la « culture moderniste »  en conflit avec la culture Arabo Islamique  disposée à jeter les bases d’une pensée moderne.  La préoccupation principale de la première génération de penseurs modernistes de la renaissance ( Nahda)  était la nécessité de réorienter le sens de l'histoire musulmane, pour réinterpréter l'Islam dans le contexte de la science moderne et l'apprentissage. Le défi intellectuel pour ces modernistes était de convaincre les musulmans que les exigences de l'islam et l'Occident "ne sont pas incompatibles les uns avec les autres." Il faut cependant en analyser le processus.

 

Selon Daniel Pipes, « la modernisation exige l'occidentalisation; occidentalisation exige la laïcité; laïcité doit être précédée par une volonté d'imiter l'Occident."

 

Depuis quelques décennies, de nombreux penseurs philosophes et sociologues parlent de post-modernité, comme solution à la faillite, sur le plan économique et technique,  du projet de modernisme présumé pour ne pas avoir tenu ses grandes promesses.

 A cela répond Habermas dans son livre (Unfinished Modernism) que la modernité demeure un projet humaniste rationnel pas encore  achevé, il lui faut un ajustement par un effort de critique philosophique.

Penser la modernité, C’est avant tous la contextualisation du concept dans l’espace et le temps, Darych Shaygan, évoque trois vagues de chocs ou de heurts dans le parcours et le processus de modernité.

Je pense qu’au début du troisième millénaire le monde quitte  la société industrielle pour entrer dans la société du savoir et de l'information, il vaut mieux parler de modernité en tenant compte des révolutions scientifiques et technologiques qui ont profondément bouleversé nos modes de pensées.

J’aimerais préciser dans ce cadre qu’il existe bel et bien une entité sociologique dans l’évolution des idées, Newton ne pouvait pas imaginer les principes de la relativité d’Einstein  par exemple. Même chose pour les récentes découvertes et implications des cellules souches dans les domaines de nano-technologie et de biotechnologie, idem pour l’impact des prouesses des technologies de l’information et de communication  sur la société entière.

 

Je ne veux pas faire ici l’apologie de la science infuse ni de maître Clerc, comme le font nos new démocrates et les pseudo modernistes qui simplifient la modernité aux rapports sociétaux par import de valeurs sans export des leurs; la modernité dans les modes vestimentaires, de consommation et de communication. La modernité de consommation  et de superficie contre la modernité de production scientifique; la modernité commence par le savoir savant, suivi du savoir faire pour le savoir être et le savoir devenir.

On constate que les des étudiants très accros à l’usage des technologies de l’information n’exploitent ces technologies que dans le « chat », téléchargement de musique et sonneries de téléphones portables, errent dans la navigation d’un site à l’autre, zappent sur les satellites. etc , jusqu’à en devenir esclave au lieu de s’en servir pour l’appropriation des bases scientifiques en vue de  construire des plates formes de développement technologique condition nécessaire à la modernité. La science et la modernité vont de paire, pour instaurer la modernité il faut au préalable installer la démarche qualité dans le système éducatif du primaire à l’université.

Aujourd'hui les pays arabes et musulmans possèdent presque  tous les outils et infrastructures de la modernisation : tel que les armées, prestigieuses écoles et universités, systèmes de gestion et de communication, bâtiments/tours, vêtements et même la culture et l'art, mais après deux siècles d’adaptation, ils sont encore en sous développement malgré les multiples réformes,  ils vont dans la direction opposée de ce qui est censé être.

Cette situation a conduit à l’élaboration d’une modernité défigurée et même violente, C’est pour cela qu’on comprend des contres réactions aussi violentes, suivant  la Troisième loi de Newton ou principe des actions réciproques  de la dynamique qui stipule qu’à « Tout action il en résulte une réaction d'intensité égale,  de sens opposé ».

 

C’est la modernité prônée par l’occident avec des lois humiliantes imposées par les institutions financières souvent dans le cadre des PAS (Plans d’Ajustement Structurels) pour instaurer des réformes. Mais aussi  par certains organismes de droits de l’homme soucieux d’élargir leur influence pour instaurer la société de savoir moderne à leur goût et désir selon une vision occidentale, une société dépendante de l’occident et de ses valeurs, une société où apparaissent les  vainqueurs et les vaincus, voila ce dont t-il s’agit.

 

 

Dans l’arène politique et sur la scène des partis l’expression de « la modernité » s’emploie comme doctrine sacrée, qui remplace d’une certaine manière les doctrines  religiueses, pour justifier n’importe quelle politique et discours vis-à-vis de la société en général et des adhérents militants en particulier.

 

Très vite les mécontentements des adhérents à ce séduisant et attirant projet de modernité apparaissent à la surface, à l’entrée, ils partagent pleinement les objectifs et se réjouissent d’apporter à sa réalisation leur contribution. Cependant les contraintes de l’autorité partisane vis-à-vis de la base ne tardent à se faire sentir, à limiter les initiatives, à bloquer ou lieu de libérer les énergies. Les signes de mécontement, de protestation, de « fidélité »  et de défection se manifestent chez les adhérents, un doute s’installe et plane sur leurs convictions, face à cette situation ils envisagent soit de démissionner, soit de rester. S’ils restent ; soit de protester soit de se taire et  s’ils se taisent, soit de participer activement soit de participer passivement. Ce schéma est empreinté  de l’institution du mariage, d’une femme qui tombe amoureuse et croit à ce projet, mais très vite elle se rend compte que son mari la trahie, elle est fâchée de cette situation et elle veut préserver cette institution, elle croit toujours, mais ça continu, le temps passe,  elle proteste, elle a des enfants en charge, préfère subir, elle est engagée vis-à-vis de sa famille, évite les dires de la société, essuyer l’échec, rien ne change positivement dans sa vie conjugale, deux choix devant elle, soit de subir passivement soit  de divorcer.

 

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